Les entreprises du numérique

Des acteurs influents mais controversés

Les GAFAM (Google, Amazon, Microsoft, Meta, Apple), acteurs centraux du numérique sont au coeur de nombreuses controverses dont celle sur la transition écologique du numérique. Dans le paysage économique, les GAFAM pèsent 3 000 milliards de dollars. Ces géants de la tech’ dictent les lois du marché et les tendances.  S’ils ont largement contribué à la popularisation des technologies numériques, mais ils suscitent également de vives préoccupations en matière d’énergie et de durabilité. Face aux préoccupations environnementales, les GAFAM tentent de montrer patte blanche en annoncant des mesures écologiques. Mais alors greenwashing ou mesures pérennes ?

Les GAFAM : des initiatives « vertes » face à des pratiques énergivores

Les GAFAM ont fait la promotion de leurs efforts en matière de transition écologique, annonçant des objectifs ambitieux pour réduire leur empreinte carbone. Par exemple, Google et Apple se sont engagés à fonctionner de manière entièrement carboneutre depuis plusieurs années. Google, en particulier, utilise des énergies renouvelables pour alimenter ses data centers et ses bureaux. Cependant, malgré ces efforts, de nombreux chercheurs et experts soulignent que les données montrées par ces entreprises peuvent être partiales, mettant en avant des initiatives de communication plus que des résultats tangibles sur le terrain.

En 2023, Google révélait avoir prélevé 23 milliards de litres d’eau dans l’année dont un tiers d’eau potable. Difficile donc, de défendre une image toujours plus verte et écolo, et pourtant. L’entreprise affirme atténuer son impact en utilisant des sources d’eau alternatives (comme les eaux usées traitées ou l’eau de mer) et en mettant en place des programmes de réapprovisionnement qui ont permis de restaurer environ 4 milliards de litres d’eau en 2023​. Mais l’extension de ces infrastructures augmentent, notamment avec l’essor exponentiel de l’intelligence artificielle. A ce propos, Shaolei Ren, rédacteur d’un rapport Make AI less thirsty explique à Reporterre que « d’ici à 2027, l’IA consommera autant que la moitié du Royaume-Uni ou 4 à 6 Danemark ». Google va devoir redoubler d’effort et de budget pour prétendre au statut d’entreprise verte qu’il revendique.

Un autre point de critique récurrent est l’obsolescence programmée. Les GAFAM, en particulier Apple, sont régulièrement accusées de créer des produits dont la durée de vie est limitée, obligeant ainsi les consommateurs à renouveler fréquemment leurs appareils. En 2023, une plainte a été déposé en France contre l’entreprise américaine par l’association Halte à l’obsolescence programmée, pour pratiques commerciales trompeuses et obsolescence programmée. En 2017, une première enquête révélait qu’Apple ralentissait intentionnellement les performances des anciens modèles d’iPhones pour inciter à l’achat de nouveaux, ce qui a exacerbé les préoccupations sur la gestion des déchets électroniques et la durabilité des produits numériques. Cette obsolescence contribue de manière significative à l’augmentation des déchets électroniques, qui représentent aujourd’hui une part importante des déchets mondiaux, estimée à 62 millions de tonnes par an, selon l’ONU.

Les entreprises de télécommunications : des infrastructures au service d’une surconsommation numérique

Les entreprises de télécommunications, telles que Orange, SFR et Free, sont des acteurs clés du développement des infrastructures nécessaires à l’essor du numérique, mais elles sont également accusées de favoriser une consommation excessive des ressources numériques. Ces entreprises fournissent un accès Internet à des milliards de personnes à travers le monde, mais les infrastructures qu’elles développent, telles que les réseaux 5G et les data centers, ont un coût écologique important.

Les recherches menées par le Shift Project ont révélé que la 5G, bien qu’elle soit présentée comme une révolution pour l’efficacité énergétique, pourrait en réalité entraîner une augmentation de la consommation d’énergie. Les chercheurs de cette organisation estiment que la mise en place de la 5G pourrait multiplier par 10 la consommation d’énergie des réseaux mobiles à l’horizon 2030. La multiplication des objets connectés et l’expansion des services numériques (streaming, jeux vidéo, cloud computing) sont directement liés à une demande croissante d’infrastructures, qui, en retour, alourdissent l’empreinte carbone du secteur.

Les entreprises de télécommunications sont également pointées du doigt pour leur rôle dans la « surconsommation numérique ». En facilitant l’accès à Internet partout et tout le temps, elles contribuent à l’augmentation des usages et à la demande continue de nouveaux services numériques. En effet, selon une étude menée par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), les Français passent désormais en moyenne 6 heures par jour sur leurs appareils numériques. Cette hyperconnexion a des répercussions non seulement sur la consommation d’énergie, mais aussi sur l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation des technologies.

Les tensions entre innovations et durabilité

Malgré les efforts de certains géants du numérique pour minimiser leur impact écologique, la contradiction entre développement technologique et durabilité reste un défi majeur. D’un côté, les entreprises du numérique sont portées par l’innovation, mais de l’autre, cette innovation engendre des externalités environnementales importantes.

Des chercheurs comme Tim Jackson, économiste et expert en développement durable, pointent la nécessité de repenser le modèle de croissance économique en lien avec le numérique. Selon lui, il est urgent de mettre en place des politiques qui forcent les grandes entreprises à rendre leur production et leur consommation réellement durables, plutôt que de simplement intégrer des démarches de « greenwashing ».

De plus, des experts comme Guillaume Pitron, auteur de La Guerre des métaux rares, dénoncent les conséquences cachées des technologies « vertes » : la montée en puissance des équipements numériques nécessite une extraction massive de ressources rares et polluantes, telles que le lithium et le cobalt. Ces pratiques soulèvent des interrogations sur la véritable durabilité du secteur et remettent en question la notion même de « numérique vert ».

Un numérique durable en chantier

Les entreprises du numérique, qu’il s’agisse des GAFAM ou des opérateurs de télécommunications, sont à la fois des moteurs de l’innovation et des acteurs clés dans la transition écologique du secteur. Cependant, leur impact environnemental demeure préoccupant, et il est impératif qu’elles intensifient leurs efforts pour intégrer des solutions véritablement durables. Si elles restent au cœur de l’écosystème numérique, elles sont également responsables d’une partie de la pollution numérique, rendant la transition écologique du numérique un défi complexe à relever.